De la bioéthique
La bioéthique est un mot valise dans lequel s’amalgament de nombreuses problématiques issues des avancées scientifiques notamment en matières médicale et biologique.
Si toutes les découvertes scientifiques ou technologiques sont, du fait des modifications de nos modes de vie qu’elles engendrent, potentiellement sources de problématiques nouvelles, les découvertes en matières médicale et biologique ont une portée bien plus considérable puisque les perspectives qu’elles ouvrent affectent directement les corps, leur intégrité et l’essence même de nos êtres.
Au-delà des évolutions objectives auxquelles nous sommes habitués, au-delà de l’émergence de nouveaux outils, ce sont nos vies qui sont potentiellement impactées ; notre présence au monde, nos destinées.
Ainsi les questions de bioéthique ne traitent pas directement des avancées scientifiques concrètes mais des prolongements éthiques, philosophiques et moraux qu’elles induisent.
Se profilent alors plusieurs façons d’appréhender ces questions et, avec elles, autant de catégories de personnes qui vont s’opposer entre elles à travers des postures morales et philosophiques réputées, par définition, subjectives. Dès lors, on ne parle plus de mises en œuvre quasi consensuelles pour l’amélioration de l’ordinaire de la condition humaine (comme l’électricité, les turbines et les moteurs, le téléphone, les applications informatiques, …), mais de choix existentiels. On ne parle plus de science, on parle de projet de société et même d’avenir de l’humanité.
Ces choix sont considérables, essentiels au sens étymologique du terme, et pour que tout un chacun puisse les poser, il est de la plus haute importance qu’ils le soient sur les bases d’une information et d’une connaissance éclairées des alternatives possibles et de leurs conséquences.
Or les débats ouverts momentanément, ici ou là, à l’occasion de tel ou tel fait divers, parviennent sur la place publique entourés de charges émotives ou de circonstances particulières qui nuisent à la sérénité et à la mesure nécessaires et conduisent trop souvent à des jugements partiels et partiaux.
Les polémiques sont si aiguës et si complexes que parfois une même personne exprimera, en son âme et conscience, des choix contradictoires : Par exemple être contre la marchandisation du corps des femmes mais être pour la GPA ; Ou rejeter l’adoption parce que la filiation au sens génétique est la seule solution personnellement envisageable mais être pour la PMA. Comme si ce n’était pas assez compliqué, certains choix se résolvent au profit de limites, de seuils, de délais ou de conditions à valider. On peut être Pour la GPA sans rémunération mais Contre s’il y a échange d’argent ou d’avantages en nature ; pour la PMA pour les couples hétéros mais pas pour les homosexuels ; pour l’autoconservation des ovocytes mais à condition de leur destruction à la mort du sujet, etc.
Les récentes possibilités ouvertes par les découvertes médicales et biologiques ouvrent un maquis de positions différentes parfois inextricables où même les experts se perdent.
Les premiers débats bioéthiques se sont cristallisés autour de la pilule contraceptive puis de l’avortement. S’en sont suivies les questions soulevées par la PMA, la GPA, l’autoconservation des ovocytes, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, le clonage et enfin les perspectives transhumanistes, les modifications de l’ADN et, par association, l’implantation intra corporelle de technologies numériques comme le puçage RFID ou de nano éléments.
S’empilent autour de toutes ces questions, des polémiques sociétales au sujet des homosexuels, des personnes transgenres, de l’euthanasie, de la filiation, des droits du père, des droits de l’enfant, des droits de successions et de l’héritage, jusqu’à l’appréhension basique de l’état civil. Le tout cerné de toute part par les dogmes religieux et les postulats philosophiques.
On voit que, peu à peu, nous sommes passés de préoccupations fondées sur une aspiration à plus de confort et de contrôle sur sa destinée individuelle, à des perspectives bien plus déstabilisantes.
Pour poursuivre, il faudrait définir exactement ce qui est déstabilisant, à partir de quel point les perspectives scientifiques hypothèquent l’équilibre moral ou éthique auquel chacun adhère. Sachant que chacun a son propre point de rupture.
Alors à quelle boussole se vouer ?
Le bon sens ? Mais de quoi est-il fait ?
L’ordre naturel ? Quel est-il, où prend-il fin, quelle est sa limite ?
Ou bien doit-on accepter ce qui est possible (devenu possible) tout simplement parce que c’est devenu possible ?
Qui peut définir le bon sens ? Qui peut s’arroger le droit d’outrepasser des limites morales ou tout simplement de les ignorer ?
Décrire les limites ou choisir de les abolir est par définition un exercice partisan relevant de querelles d’opinions qui ne se résolvent jamais dans la sérénité.
Étant donné que nul scientifique, expert, notable ou élu ne peut s’arroger le pouvoir de trancher en ces matières, il semble que le consensus populaire par voie référendaire soit l’option offrant les garanties de légitimité nécessaires.
Le peuple sera ainsi en position de jouir ou de se priver des avancées scientifiques en regard de son niveau moral et éthique exprimé dans les urnes.
En conséquence, ce programme ne peut prétendre apporter des réponses à toutes les questions posées en matière de bioéthique mais tente de dégager une ligne directrice s’attachant au bon sens (forcément relatif) qui l’anime.
* * * *
La norme sociétale
Les mises en pratique d’avancées médicales et biologiques consécutives à des résolutions légales issues de débats de bioéthique modifient, comme il a été dit, les usages en matière de mœurs, de comportements, de filiation, d’appréciations d’ordre moral, etc.
Certains conçoivent à partir de ces modifications des pertes de repère. Concurremment, émergent, du fait de ces nouvelles pratiques, des dissensions et des conflits fondés sur des ruptures d’égalité ou des discriminations. Pertes de repère et dissensions sociétales s’amalgament au point que parfois, les pratiques antérieures sont mises à l’index par les tenants de nouvelles pratiques.
L’accouplement, l’enfantement, la filiation, la famille sont le siège de pratiques millénaires qui constituent les points de repères indispensables afin que chacun puisse se situer sur une échelle de valeur en évolution. Dans cet univers en « révolution » profonde, il s’agit de ne pas perdre des yeux ce qui relève de notre patrimoine humain (au sens éthologique) et de définir ce qu’est la norme sociétale issue de l’histoire millénaire de l’animal humain.
La norme sociétale se fonde à partir de l’état de nature ou, à défaut, correspond au fait majoritaire.
Un luthier montant un jeu de corde habituellement pour droitier, dira qu’il fera un montage « normal » alors que lorsqu’il monte un jeu de corde pour gaucher, il précisera qu’il fait un montage pour gaucher.
De la même façon, un couple est a priori un couple composé d’un homme et d’une femme ; un homme ou une femme sont a priori supposés être hétérosexuels.
Il ne peut être question de discrimination si quelqu’un ou un document conçoit par défaut la « norme sociétale » d’une situation.
Ainsi les réglementations, documents administratifs, décrets et lois générales s’appliquent par défaut en référence à des situations correspondant à la norme sociétale.
L’adaptation des cas particuliers issus d’évolutions relevant de la bioéthique doit être recherchée et rejoindre autant que possible le corpus de dispositions légales et réglementaires mais ne doit pas distordre la cohérence de ce corpus au motif d’un nivellement absolu.
Le fait « minoritaire » ou « atypique » est respecté à titre particulier – et ne saurait impacter la « majorité » de façon disproportionnée comme, par exemple, des modifications du type parent 1 et parent 2 -.